On y est : l’IA n°1 des charts !

Il est tard dans ce saloon virtuel. Là, un cow-boy silencieux, l’œil dur, le chapeau incliné, chante : « You can kick them rocks if you don’t like how I talk… I’m gonna keep on talking and walk my walk. »
Ce cow-boy, c’est Breaking Rust — mais derrière sa voix rauque, sa silhouette de bad-boy des plaines, et même un petit côté Brokeback Mountain, aucun humain : juste de l’IA !

Un succès fulgurant

Mi-octobre, Breaking Rust déboule sur Spotify avec son EP Resilient, porté par un single : "Walk My Walk". Très vite, le titre décolle aux États-Unis, où la country reste aussi populaire là-bas que PNL ou qu'une Clara Luciani chez nous. En quelques semaines, il accumule plus de 4 millions de streams, et l’audience mensuelle du « chanteur » dépasse les 2 millions.

Puis, choc : le 8 novembre dernier, "Walk My Walk" atteint la première place des classements — un exploit historique puisqu’il s’agit du premier succès attribué à une création entièrement générée par IA.

Derrière le masque du cowboy

Derrière Breaking Rust, un algorithme donc. Enfin… pas tout à fait. Le créateur du titre s’appelle Aubierre Rivaldo Taylor, mais son profil reste énigmatique. Les visuels qui accompagnent le projet — sur Instagram notamment — sont eux aussi générés par IA : des images d’un homme à la mâchoire ciselée, au chapeau à large bord. Pas d’interviews, pas de tournée, pas de vie réelle — juste du code, et pour certains auditeurs, le sentiment d’avoir été bernés.

Musicalement, "Walk My Walk" joue la carte de la country classique ; le morceau est globalement très bien foutu, ce qui provoque un véritable raz-de-marée dans l’industrie. Des stars de la country, comme Jason Aldean ou le parolier Tom Douglas, réagissent : certains saluent l’innovation, d’autres s’alarment. Le débat s’installe : est-on prêts à encenser une chanson créée par IA ? Et que faire si, au-delà de la philosophie et du débat d’idées, on aime sincèrement le morceau ?

D’autant que, à l’IA, s’ajoutent des soupçons de « fraude » : des clics un peu trop nombreux pour être honnêtes. Pour certains, cette ascension artificielle serait un coup de communication calculé : viser le haut des charts pour déclencher une réaction médiatique. Si c’est ça, c’est gagné !

Un tournant pour l’industrie musicale ?

L’histoire de Breaking Rust n’est toutefois pas qu’un épiphénomène : c’est peut-être le début d’une nouvelle catégorie d’artistes, ceux qui n’existent pas mais rencontrent pourtant un large public. Autant dire que les débats éthiques et artistiques sont loin d’être clos.

Ce qui paraîtra peut-être drôle ou marquant, avec le recul, c’est que la première figure triomphante de l’IA dans la musique soit un cowboy — symbole s’il en est de la conquête d’espaces vierges. L’intelligence artificielle tâte désormais le terrain des vrais artistes. À voir s’ils auront le sort des Indiens d’Amérique…