Faites du bruit pour sauver la musique

24 octobre 2017 à 11h42 par La rédaction

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« Faites du bruit pour sauver la musique », voilà l’appel – le cri du cœur – lancé par un certain nombre de professionnels de la musique et de la nuit, mais aussi par des personnalités comme l’ancien ministre de la culture, Jack Lang, dans le quotidien Libération daté du 23 octobre

Un appel pour dénoncer un récent décret visant à limiter le niveau sonore de la musique dans les festivals et discothèques, au nom de la santé publique.

Concrètement, le décret stipule que le niveau sonore moyen ne pourra plus dépasser 102 décibels, alors que le niveau maximal était fixé depuis 1998 à 105 décibels. Une obligation qui doit s’imposer à tous d’ici un an.
Pour être moins technique, cette baisse qui semble minime impacte directement les sons de basses fréquences à l’origine de la sensation de vibration perçue physiquement par le public… et donc qui font danser.

Pour les artistes du coup (et pas des moindres : Jean Michel Jarre, Laurent Garnier notamment) comme pour les propriétaires de lieux festifs musicaux, cette mesure dénature les œuvres et va à l’encontre la liberté de création.

Les professionnels affirment également que ce décret entraînera le déclin de la fréquentation et, du même coup, une baisse importante des recettes des établissements festifs et des festivals. Un nouveau signe des difficultés auxquelles sont confrontés les clubs, les festivals qui, pourtant, sont arrivés à faire prendre conscience ces derniers temps de leur importance économique et culturelle auprès des élus et institutions.

Plus de 70 signataires de cet appel demandent donc l’annulation du décret et l’ouverture d’un débat public.


Notez que RadioFG est signataire, voici le texte intégral…

Les lieux musicaux festifs et nocturnes sont depuis toujours le décor de belles rencontres, les sources singulières d’expériences vivantes, de cultures émergentes. Or, le décret 2017-1244 du 7 août 2017 relatif à la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés, risque, au nom de précautions pourtant légitimes, de rétrécir le champ de ces sensations.

La «santé publique» nous préoccupe comme tout citoyen, mais nous redoutons que l’on n’y sacrifie la liberté artistique. Nous considérons les restrictions sur le son amplifié comme une atteinte au droit moral des auteurs sur leurs œuvres, par là même dénaturées. Qui aura envie de payer son entrée dans un lieu où la musique sera réduite par la restriction sonore, à n’être qu’un lointain écho d’elle-même ?

Ceux que nous voulons protéger sont à la fois les artistes, les exploitants des lieux clos et ouverts et les festivals. Pour protéger les oreilles du public d’une musique reléguée au statut d’agression sonore, le législateur a prévu, une modernisation de notre système de santé : «Les activités impliquant la diffusion de sons à un niveau sonore élevé, dans tout lieu public ou recevant du public, clos ou ouvert, sont exercées de façon à protéger l’audition du public et la santé des riverains». C’est sur ce fondement qu’a été adopté le décret n° 2017-1244 relatif à la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés.

Ce texte abaisse le volume sonore toléré dans les endroits accessibles à «102 décibels pondérés A sur 15 minutes et 118 décibels pondérés C sur 15 minutes». Cela vise les sons de basses fréquences à l’origine de la sensation de vibration perçue physiquement par le public et inscrites dans l’ADN des œuvres musicales sont particulièrement visés. Il s’agit des fameuses «basses», qui font danser.

Au volume exigé par ce décret, la sensation physique n’atteint plus son objectif. Si nos corps, nos capacités de perception, nos mémoires ont du mal à y renoncer c’est bien que cela fait partie du bonheur d’entendre ces œuvres dans leur plénitude. Ce décret les défigure, ce texte les dénature.

C’est également une atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie, au respect de la liberté artistique et une forme de violation du droit moral de leurs auteurs. Vivre la musique, c’est l’entendre, l’écouter à un volume suffisant pour en être physiquement transporté. Les musiques électroniques, festives et aventureuses, fleurons de la créativité française, illustrent parfaitement ce désir d’une plénitude sensorielle.

Depuis le 7 août 2017, l’application de ce texte nous fait redouter l’épuisement de ce que procuraient ces lieux et ces événements festifs : le plaisir si singulier de la basse, sa force qui apporte une émotion aussi vive que celle des grandes voix lyriques pour un autre public.

Ce décret entraînera inéluctablement le déclin de la fréquentation et, du même coup, une baisse importante des recettes des établissements festifs et des festivals. D’autant que l’application du décret s’annonce rigoureuse, avec l’obligation pour les organisateurs d’enregistrer en continu les volumes sonores mesurés en décibels et celle non moins rigide de se doter d’un dispositif permettant la consultation des données obtenues.

S’ajoute l’obligation de proposer des espaces de repos, d’isolement phonique même pour les plus petits établissements, auquel le public français reste fidèle. Pour ceux-là, de tels investissements signifieraient la mort. Alternativement, il sera exigé d’arrêter la musique de temps à autre, ce dont on imagine les conséquences.

On pourrait protéger les oreilles du public avec des solutions plus souples. Beaucoup de salles proposent d’ailleurs des dispositifs de protection auditive. Au passage, les mesures sonores ne seront jamais identiques en tous points d’une salle, pour tous les sujets et tous les taux de remplissage. Et qui mesurera le bruit généré par le public lui-même ? Tout cela rend la mise en œuvre de ce décret très contraignante et peu fiable.

On fait taire la joie, on muselle la musique, on interdit aux œuvres d’habiter le monde physique. Combien d’artistes y verront une absence de considération à leur égard, combien d’exploitants y laisseront leur équilibre financier, combien de spectateurs finiront là leur histoire d’amour avec la musique partagée, ressentie, aimée ?

Pour tous ces motifs une demande d’annulation du décret a été déposée au Conseil d’Etat le 9 octobre 2017 par Aurelien Dubois le président de la Chambre syndicale des lieux musicaux, festifs et nocturnes (Ex-CSCAD). Nous demandons donc, l’ouverture d’un débat public.

Parmi les signataires : UMIH; Jean-Michel Jarre; Jack Lang; Solydays; Hellfest; Laurent Garnier; Les Nuits sonores; Techno parade; Jeff Mills; le Rex club. Et 1988 Live Club; Amarou; Angie; Antigone; Badaboum; Bateau Nix Nox; Behzad; Ben Vedren; Benales; Birth Of Frequency; Bronco; Cabanne; Cafe Oz; California Avenue; Cerrone; Communion; Concrete; Corcoran’s; Dan Ghenacia; Dream Nation; El Alamein; Garage; Groupe Noctis; L’alimentation Generale; L’entrepot; La Chapelle Des Lombards; La Dame De Canton; La Machine du Moulin Rouge; La Mano; La Pena Festayre; Laurent Garnier; Le Baiser Sale; Le Depôt; Le Faust; Le Reservoir; Le Sucre; Les Cafes Oz; Les Ecuries; Les Etoiles; Les O’sullivan; Lowris; Mad Rey; Marcelus; Molly; Nuits Fauves; O’sullivans; Oxyd; Palais M; Pena Festayre; Petit Bain; Point Ephemere; Pop’in; Quartier General; Radio FG; Rosa Bonheur; Salo; Silencio; Sneg & Co; Supersonic; Surprize; Technopol; Vip Room; Voiski; Wanderlust; Weather Paris Festival; Zadig; Zapata.