La musique, poule aux oeufs d'or de la finance mondiale

1er mars 2023 à 12h47 par Christophe HUBERT

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Crédit : Pixabay / Pexels

Dr Dre, 200 millions de dollars, même somme pour Justin Bieber, 500 millions pour Bruce Springsteen ! Obnubilés que nous sommes par les plateformes de streaming, nous avons zappé le fait que de grandes manœuvres financières secouaient le marché de la musique.

Depuis quelques années, il est de bon ton de mettre en vente les catalogues musicaux des artistes starsaux plus offrants. Jusque-là, les majors de la musique Sony, Warner et Universal Music – se léchaient les babines, espérant de juteux retours sur investissements. Mais désormais, la musique intéresse les grands investisseurs de la planète, comprenez les fonds d’investissements ou des entreprises devenues spécialistes du sujet, comme Primary Wave et Iconic Artists Group.

 

Pourquoi racheter et vendre des catalogues musicaux ?

Devenues opérations courantes, le rachat des droits d'auteur ou d'édition de catalogues d'artistes - parfois morts, souvent vivants, mais tous jugés rentables et indémodables – permet de mettre la main sur un actif considéré comme très fort pour un investisseur, notamment à l’heure du streaming, de la synchro pub, des réseaux sociaux – Tik Tok en tête, qui assurent des revenus, des royalties, quasi-constants et sur le long terme.

En retour, l’artiste concerné peut se dire (au-delà de voir son compte en banque renfloué) que la société acheteuse cherchera à valoriser, à défendre ses créations).

 

Dernièrement, c’est Justin Bieber qui vendait sa discographie à Blackstone  géant de la finance mondiale - 290 titres, dont ses plus grands succès « Baby », « Sorry » et « Love Yourself ». Bieber, plus jeune artiste à participer à ce genre d’opérations car, rappelons-le, l’idée est de mettre la main sur de vieux catalogues déjà éprouvés qu’il convient de rogner jusqu’à l’os !

Les plus grandes transactions ont eu lieu autour de Bob Dylan, Sting, Tina Turner, Red Hot Chili Peppers, Neil Young même David Guetta a vendu son catalogue pour 100 millions de dollars (estimation Financial Times) -, autant d’artistes qui (sans injures) ont une carrière davantage derrière eux que devant !

Ce qui répond à une question que vous alliez vous poser : ces opérations financières sont-elles bonnes pour la musique et notamment, pour le financement des nouveaux talents ? La réponse est non. Sauf à croire au ruissellement. Car quand c’est une major qui rachète un catalogue, alors la maison de disques s’endette, ce qui ne l’aidera pas à financer la relève musicale. Et quand ce sont des fonds de pension, le seul gagnant immédiat, c’est l’artiste qui empoche le chèque !

Des opérations qui interpellent sur l'avenir de la musique

Pour le reste, ces rachats de catalogues musicaux, le fait qu’ils deviennent à moyen terme des enjeux financiers – des actifs que l’on pourrait vendre ou racheter – interpellent sur le futur de la musique.


Sont-il un danger ?
La culture n’est pas un produit comme un autre et une captation des richesses pour un nombre restreint d’artistes stars et vieillissants, n’est pas un avenir qui donne envie. Sans parler du fait que si la musique devient un produit mondial, on se tiendra prêt à voir le catalogue des Daft Punk, de Mylène Farmer ou de Johnny Hallyday, racheté par des entreprises étrangères. Culture française vs culture globale.

Sont-il une chance ?
A contrario, on peut voir dans ces rachats, une opportunité de voir des millions de dollars déferler sur un marché musical relativement fragile. Ils peuvent sécuriser les artistes concernés dont les œuvres ne tomberont pas trop vite en désuétude et rajouter de la concurrence alors qu’aujourd’hui, la musique est trustée par 3 grandes majors.

Quelle que soit votre opinion sur le sujet, ces opérations financières interrogent enfin sur un marché musical devenu mondial. Son organisation, aujourd’hui, tend à favoriser toujours les mêmes, de la rémunération des artistes aux algorithmes des plateformes, en passant par l’organisation de tournées, au détriment de la diversité et des scènes émergentes ou plus confidentielles (les line-up de plus en plus copiés-collés des festivals en témoignent).

Reste alors aux jeunes talents qui ne bénéficient ni de la manne financière ni des royalties de Spotify, à se débrouiller, à inventer, à innover pour se faire une place au soleil. 

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